Sommes-nous des naïfs confrontés aux discours assertifs des équipementiers, des éditeurs de logiciels confortés par des rapports officiels souvent œuvres de groupes de pression et d’influence (lobbyiste), qui promeuvent une économie de développement industriel et financier ? Cette question se pose aux utilisateurs qu’ils soient enfants, adolescents ou adultes.
Elle trouve des réponses quand elle génère une suite d’interrogations.
Est-il possible de faire l’impasse sur les modes de production de cette technologie présente dans la vie scolaire et universitaire?
Nous devons envisager que l’utilisation d’un objet connecté conduit à aborder les thèmes de ses modalités de production et de ses effets sociaux et environnementaux dans l’enseignement.
La reconnaissance de ces enjeux apparaît nécessaire puisqu’ils impactent la quotidienneté, l’organisation politique de la diffusion de l’information et les espaces démocratiques.
Elle est donc une des finalités pour une éducation du citoyen dont l’enseignement est un des éléments.
Retours d’expérience, documentation et articles de synthèse permettent de problématiser ces questions et soulignent leur importance pour les parentalités, l’ensemble des personnels d’une Éducation Nationale et les décideurs politiques.
Loin de s’éloigner du champ de l’enseignement, ces questions font partie des connaissances à acquérir pour comprendre son environnement.
Comprendre les procédures algorithmiques de l’informatique, c’est réactiver l’obligation de rigueur, la capacité à bien séparer énoncés, attendus et hypothèses. Ces processus sont des objectifs scolaires dont la finalité est la compréhension des enseignements proposés.
Le lien entre ces objectifs et leur finalité est posé par exemple dans « 1,2,3 …Codez , La main à la pâte » qui présente deux possibilités pour comprendre les algorithmes : une pratique dans des situations sans outils numériques (papier, crayon) et des situations avec des outils numériques.
Revenir aux sources de l’intérêt de l’informatique pour l’enseignement, c’est comprendre les procédures de l’utilisation d’un outil.
Les réponses à ces questions soulignent que la réflexion sur la place de l’individuation et celle de l’altérité dans la vie collective est nécessaire pour choisir les processus d’enseignement à mettre en action tant en pédagogie qu’en didactique.
Le numérique, fait social qui est commun à plusieurs populations et qui les soude entre elles ne nécessite-t-il pas une approche culturelle ?
Si nous prenons une approche historique et diachronique, des réponses doivent être apportées à ces questions.
Les réponses à ces questions permettent d’introduire un débat sur le caractère de « modernité » attribué à l’utilisation du numérique dans l’enseignement.
Le numérique est-il une décision technocratique ou créateur d’un fait culturel ?
La décision politique confie-t-elle l’enseignement, créateur de groupes sociaux qui partagent un espace commun, à l’action démocratique publique ou à des promoteurs d’une technologie choisie parmi d’autres ?
La décision politique reconnaît-elle qu’une des finalités de l’enseignement soit l’événement culturel qui crée la citoyenneté?
L’analyse de ces deux possibilités permet de comprendre l’expression de Lionel Jospin à l’Université d’été de la communication d’Hourtin en 1999 : « l’illectronisme » avant qu’il ne devienne un nouvel avatar de l’illettrisme » ?
Il s’agirait alors de considérer en premier ce qui dans la forme diffère entre l’illectronisme et l’illettrisme pour saisir les écarts qui peuvent exister pour les questionner, en second ce qui dans le fond permet de mieux comprendre les faits culturels que recouvrent ces deux expressions.
La reconnaissance des faits culturels et leur analyse paraissent faire partie des disciplines à inscrire dans les programmes de l’enseignement soit comme thème qui traverse l’ensemble des disciplines soit comme matière en soi.
Les bases d’un logiciel d’apprentissage peuvent-elles dépasser celles d’un système d’intelligence artificielle qui intègre trois modèles :
Si tel est le cas, à quelle idéologie, à quel objectif politique, à quel objectif économique répond ce logiciel ?
Ce choix est-il compatible avec les finalités de l’enseignement et les processus issus de pratiques, de récits et de controverses scientifiques ?
Technologiquement une autre procédure de fabrication est-elle possible ?
Quand le numérique permet l’analyse des traces de l’apprentissage, il dépasse le système d’une intelligence artificielle basée sur le renforcement d’un modèle de comportement défini administrativement, il ouvre la voie vers d’autres données qui permettent de disposer d’autres logiciels consacrés à l’enseignement.
Les données recueillies ne font plus partie d’un modèle standard d’enseigner basé sur une définition administrative de l’apprenant mais sur des données issues des expériences vécues tant au niveau des enseigné.e.s qu’à celui des parentalités et des enseignant.e.s en collaboration avec des responsables d’études scientifiques et des ingénieurs.
Cette proposition montre que si l’utilisation de certains logiciels est un objectif dont la pérennité peut être à envisager, l’analyse des composantes cognitives qui président à la production de leur technologie est une des finalités de l’enseignement.
Ne faut-il pas poser la différence entre les mises à la disposition d’outils et les technologies qui en sont les supports ?
Le numérique apporte entre autres l’instantanéité de l’information visuelle et auditive qu’elle soit analogique ou codée dont les langues font partie. Cette nouvelle pratique a pour support des outils.
Ces outils sont-ils provisoires ?
La réponse à cette question permet d’équilibrer deux actions scolaires ou universitaires :
Ces questionnements qu’impose l’immersion de générations montantes dans l’utilisation d’outils numériques n’ont-ils pas comme finalité une réponse à « Que suis-je parmi vous ? », question posée à ses élèves par un professeur dans le documentaire « L’école en projet » (FR3 Aquitaine …en 1974) ?
Pr. Alain Jeannel
Dernière modification le lundi, 05 septembre 2022
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