Cette communication a été prononcée dans le cadre du colloque intitulé “Morale et cognition : l’épreuve du terrain” qui s’est tenu au Centre Culturel International de Cerisy du 4 au 11 septembre 2013, sous la direction de Monica HEINTZ.
Présentation de l’intervenante
Laurence Kaufmann est professeure ordinaire à la Faculté des sciences sociales et politiques de l’Université de Lausanne. Ses recherches se déploient dans trois directions. Elle interroge tout d’abord l’efficacité politique du concept d’opinion publique en analysant la généalogie de ses fondements sociaux et linguistiques. Une autre facette de son travail concerne les modes de constitution et d’existence des institutions et des collectivités. Son objectif est de mettre en évidence les différences et les similitudes entre des ensembles aussi hétérogènes que les publics médiatiques, les collectifs politiques et les communautés religieuses. Enfin, elle conduit des études expérimentales sur le processus d’adaptation, dès l’enfance, à la vie sociale et culturelle. Elle cherche à mieux comprendre comment se conjuguent, dans cette dynamique, des compétences d’ordre cognitif, émotionnel et communicationnel. Une hypothèse centrale organise ces recherches : la communication et l’éducation de l’attention, au sens quasi-perceptuel du terme, jouent un rôle essentiel dans la production, la diffusion et le maintien de la culture.
Résumé de la communication
Une réflexion sérieuse sur l’empathie ne peut négliger les nombreuses recherches qui montrent que les expressions émotionnelles des membres d’un “hors-groupe” ne suscitent pas la même résonance motrice (motor mimicry) que celles des membres d’un “en-groupe” et que l’empathie pourrait bien être fonction de l’appartenance de groupe. Le fait que la mise en résonance entre alter et ego n’intervienne qu’entre “semblables” invite à réfléchir sur les enjeux moraux, sociaux et politiques du travail d’élargissement de ce que “semblable veut dire”. Un tel travail se situe à l’entrecroisement des normes morales et des normes sociales et permet de requestionner leurs frontières, ainsi que les compétences que leur constitution et leur maintenance sont susceptibles de mobiliser. Mais ce travail d’élargissement est également politique: il consiste à désenclaver le sentiment du Nous en l’extrayant des frontières étroites de la co-présence et de l’expérience tangible, sensible, des relations concrètes. C’est ce travail moral, social et politique d’extension du “Nous” et les ressorts normatifs qui le sous-tendent que nous nous proposons de souligner dans notre contribution.
Conférence proposée par Canal U, plus d’info sur le site de Canal U