Cette communication a été enregistrée lors du colloque « Violences en contexte guerrier » qui s’est déroulé à Caen les 8 et 9 mars 2022, organisé par l’équipe de recherche HISTEMÉ.
Le projet Paraben, par sa contribution à une anthropologie des massacres et des violences de masse, a pour but d’interroger l’intemporalité des violences extrêmes dans la guerre et le rapport des sociétés à ce type de violence, pour offrir une réflexion collective inédite en France sur la pertinence ou non d’en référer au génocide dans l’étude des expériences grecques et romaines. Il s’agit d’inviter à replacer l’étude sur le temps long, dans une approche comparée et pluridisciplinaire, en vue d’une compréhension globale du phénomène.
Le massacre des Innocents est un épisode qui intéresse particulièrement l’histoire des représentations non seulement parce qu’il a fasciné toutes les générations depuis l’Antiquité, mais surtout parce que c’est un événement qui n’a pas eu lieu. Ce massacre n’est attesté par aucune source historique – ni grecque, ni romaine, ni juive, ni même chrétienne à l’exception de l’Évangile de Matthieu. Ni les autres évangélistes, ni l’historien juif Flavius Josèphe, qui partagent une réprobation unanime des crimes d’Hérode, n’en disent mot. L’événement joue pourtant un rôle fonctionnel dans la littérature chrétienne, grâce à une plaisanterie d’Auguste, déclarant que mieux valait être le porc d’Hérode que son fils. Ce bon mot, connu par l’anthologie tardive de Macrobe, doit son succès, dans le contexte culturel des calembours gréco-romains en vogue à la cour impériale, à la contamination entre un lieu commun pamphlétaire sur l’infanticide et une plaisanterie anti-juive sur l’abstinence du porc. L’histoire du « massacre des Innocents » montre comment quelque chose qui n’a pas eu lieu peut être le point de départ d’une série de transferts mémoriels, qui n’ont cessé de se renouveler en amalgamant des thématiques d’actualité différentes à chaque époque.
Conférence proposée par Canal U, plus d’info sur le site de Canal U